Déontologie, prélèvements, menaces et conservation

Guyane longicornes

Autant le dire franchement, contrairement à l'étude des oiseaux et des vertébrés de manière générale, l'étude des insectes nécessite la récolte d'individus et leur mise en collection. En effet, beaucoup d'espèces doivent être examinées à la loupe, voire disséquées. De plus seule la constitution de séries (d'une dizaine de spécimens par espèce) permet de bien comprendre la variabilité intraspécifique et permet, parfois après plusieurs décennies, de revenir vérifier une détermination.

Malgré l'efficacité de certains pièges, la part collectée par les entomologistes reste négligeable. En effet, les insectes ont des dynamiques de population qui n'ont rien à voir avec celles des vertébrés. Ces populations subissent naturellement des variations très fortes d'une année sur l'autre (de 1 à 10 voire 1 à 100) et sont en général régies par des mécanismes densité-dépendants. Les densités sont souvent de l'ordre de plusieurs centaines d'individus par hectares (alors qu'on compte en individus par 100 ha pour les mammifères !).

Boite de collection Cerambycidae

Pour preuve, la Montagne de Kaw, un "hotspot" de l'entomologie en Guyane, où des dizaines d'entomologistes viennent collecter chaque année depuis les années 80. Malgré ces prélèvements répétés, il n'a pas été constaté de baisse d'abondance même chez les espèces les plus récoltées, hormis des phénomènes cycliques indépendants des prélèvements. On y découvre même chaque année de nouveaux taxons!

Orpaillage Guyane Cacao

Menaces

La principale menace pesant sur l'entomofaune est la perte ou la dégradation des milieux naturels. 1 ha de forêt détruit, c'est au moins 1 million de spécimens détruits et qui ne reviendront plus (sauf lent processus de régénération)! L'autre principale menace vient des produits phytosanitaires utilisés en quantité excessive (exemple Cacao en Guyane) qui stérilisent progressivement les forêts proches des cultures. Le changement climatique et l'arrivée d'espèces exotiques envahissantes sont de nouvelles menaces dont on parle beaucoup de nos jours. Ces menaces sont en fait amplifiées par la dégradation ou la perte de milieux naturels.

Conservation des insectes

Aux Antilles comme en Guyane, la façon la plus évidente de préserver l'entomofaune est de préserver des habitats naturels en bon état. Pour construire une stratégie raisonnée de conservation, il faudrait connaître la façon dont varient dans l'espace les assemblages d'espèces, dans de nombreux groupes taxonomiques. Contrairement aux idées reçues, la richesse spécifique n'est pas nécessairement le paramètre le plus important à prendre en compte. La question importante n'est pas "tel site a-t-il plus d'espèces que l'autre", mais "tel site héberge-t-il des espèces différentes qu'on ne trouve pas ailleurs", c'est-à-dire ce site ou ce secteur est-il irremplaçable.

Dans l'idéal, une connaissance par des inventaires systématiques du territoire permettrait d'identifier les différents secteurs les plus complémentaires et irremplaçables.

On peut conseiller une approche robuste et pragmatique de la conservation pour sélectionner un réseau de sites à protéger:

  1. En placer dans chaque secteur biogéographique. En effet ceux-ci ont le plus de chance d'abriter des fonds de faune un peu différents.
  2. Au sein de ces secteurs, en placer dans chaque grand type d'habitat (forêt dense, forêt sur crête, bas-fonds, forêts sur sable, forêt submontagnardes, savanes, marais...). Ces habitats possèdent des conditions mésoclimatiques différentes, une flore et donc des plantes-hôtes différentes, créant des niches écologiques distinctes.
  3. Lorsqu'il y a le choix entre plusieurs sites, choisir les mieux conservés. Lorsqu'il existe quelques inventaires, il est logique de prendre les sites connus pour leur grande diversité.
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